KENJUTSU 剣術 |
Le kenjutsu (剣術, littéralement « technique du sabre », c'est-à-dire escrime) est un art martial japonais ancien (bujutsu), qui se concentre sur la maîtrise des sabres katana et wakizashi. Enseigné aux samouraï, il faisait partie des bujutsu du Japon féodal. On pratique le kenjutsu sans protections. Si la finalité est le maniement du katana, l'entraînement à deux se fait avec un bokken ; l'entraînement au dégainement (iai) se fait avec un iaito. Écoles et stylesLes écoles et académies d'arts martiaux (ryū) spécialisées dans la voie du sabre se sont véritablement developpées au Japon au lendemain de la victoire de la dynastie Tokugawa en 1615. Dans un pays en paix, la classe des samouraï se retrouva desœuvrée. C'est ainsi que les écoles d'escrime prospérèrent sur le modèle des académies d'escrime européenne. Les techniques guerrières du passé (bujutsu) devinrent des « voies » (budo) qui soulignaient beaucoup plus l'importance de la maîtrise intérieure de soi-même. Il se développa ainsi une mystique du sabre plus apparentée à la philosophie qu'à la guerre (l'Europe a aussi connu des écoles d'escrime mystique avec le style espagnol de Jeronimo de Carranza). Cette voie du sabre était la recherche de la perfection, de l'union de l'esprit et du geste. Chaque école avait ainsi ses techniques propres allant de la longueur du sabre aux positions en passant par la manière de porter les coups. Chaque académie avait un double enseignement exotérique et esotérique. Seule la connaissance de ces deux pôles permettait de maîtriser totalement le système. Le style Chūjō d'escrime était ainsi divisé en enseignement
Le plus célèbre maître de sabre fut certainement Tsukahara Bokuden dans les années 1550–60, dont l'escrime Suprême était la plus mystérieuse de ses méthodes secrètes. Le style Niten ryu (littéralement « école des deux cieux ») est l'héritière de Miyamoto Musashi ; sa particularité est d'enseigner le maniement des deux sabres (nito), katana et wakizashi, simultanément. Il existe une forme dérivée, le Shinobi kenjutsu, forme « vulgaire » du kenjutsu, développée par les maîtres japonais du ninjutsu (ou shinobi-ho), et qui inclut des techniques « originales » mais d'une efficacité redoutable — parfois au détriment de l'aspect esthétique. Aujourd'hui, la plupart de ces techniques se sont perdues et les rares écoles qui subsistent n'enseignent que la forme extérieure de l'escrime aux Occidentaux. L'un des derniers grands sabreurs japonais fut Saito Hajime qui mourut en 1915. Éléments de techniqueAvec un katana, la coupe se fait uniquement avec les dix premiers centimètres de la lame, partie appelée monouchi (物打), littéralement « objet qui frappe ». Lorsqu'il est manié seul (cas général), le katana se tient à deux mains ; l'exception la plus notable est le style Niten ryu où l'on utilise simultanément les deux sabres. Le combattant doit s'attacher à ne montrer aucune intention, afin de pouvoir surprendre son adversaire. Lors du combat, il s'attache à garder sa rectitude (shisei) afin d'être toujours équilibré. Tenue du sabreAu cours de l'histoire, les armes ont évolué, et donc la tenue du sabre également :
L'Europe a connu des évolutions semblables, partant de l'encombrante épée à deux mains médiévale et aboutissant au fleuret. On remarque que les écoles anciennes (ko ryu), telles que la Katori shinto ryu ou la Take no uchi, ont des saisies différentes — saisie naturelle, comme s'il s' agissait d' un oeuf pour la Katori et plus forte, comme une saisie de hache de bûcheron pour la dernière — des pratiques codifiées plus récemment telles que Muso shinden ryu ou la Jikiden ryu. Aujourd'hui, le développement moderne conjoint du kendo et du iaïdo, en fait de l'émergence généralisée de la philosophie do (la voie, dans le sens manière de vie par opposition à la technique de combat) généralise un type de saisie commun. Cette saisie n'est pas aisée à assimiler, elle n'est pas spontanée (pas plus que la tenue d'un club de golf par exemple). La poignée (tsuka) du grand sabre (katana) a la longueur de trois largeurs de paumes. On positionne la main droite en haut de la poignée, contre la garde (tsuba), et la main gauche en bas de la poignée, le petit doigt étant à cheval sur le bord de la poignée (kashira) ; ce placement est le même pour les gauchers et les droitiers. Ceci permet d'avoir à la fois
Les mains doivent être sur le dessus de la poignée ; ceci paraît évident lorsque l'on coupe avec un couteau, mais cette position est peu naturelle lorsque l'on tient le sabre à deux mains, et ce d'autant plus que comme on n'effectue plus de coupe réelle (sauf les pratiquants de batto do), les pratiquants n'expérimentent pas l'importance de la chose. Il faut donc se forcer à tourner les mains sur l'intérieur, dans un mouvement similaire à l'essorage d'un linge, afin que la base de l'index et le milieu du talon de la paume soient en contact avec le dessus de la poignée ; on utilise l'expression te no uchi, « intérieur des mains », ou encore shibori. Les avantages qu'on en retire lorsqu'on l'a acquise sont nombreux : réduction du risque de tendinite, l'adhérence de la poignée est parfaite sans occasionner de crispation ; c'est une saisie légère et efficace, rendant pratiquement impossible le désarmenent. Cette position doit être conservée constamment, notamment lors des changements de garde ; par exemple lorsque l'on arme pour frapper de haut en bas (garde dite jōdan no kamae), cette position des mains limite l'élévation des bras, les mains se retrouver au dessus du front et ne peuvent pas passer au dessus de la tête. Si l'on coince un objet entre les deux poignets, l'objet ne doit pas tomber lors des mouvements. Par contre, cette saisie fait perdre en mobilité et provoque des contractions musculaires chez le débutant. Il peut donc être judicieux, à la discrétion de l'enseignant, de ne pas porter trop d'attention à la tenue dans un premier temps afin de ne pas bloquer le pratiquant. Par ailleurs, certains mouvement de réception du sabre adverse (parade, bien que la notion soit différente de l'escrime européenne) nécessitent le relâchement de cette tenue afin d'amortir le choc et de conserver l'équilibre. Il est également important de garder les coudes dirigés vers le bas. Le buste doit rester droit (shisei) afin de maintenir l'équilibre, le bas du dos relâché afin de permettre une grande mobilité, les épaules sont également relâchées. La tête est placée légèrement en recul, comme si l'on voulait aligner le front, le menton et le nombril sur une ligne verticale, afin de protéger le visage. Gardes (kamae)La garde, ou kamae (構え) en japonais, est une position correspondant au début ou à la fin d'une coupe. C'est logiquement une position d'attente en début de combat. Les gardes se font à gauche (hidari) et à droite (migi), de manière symétrique à l'exception de la position des mains sur la poignée (tsuka) qui ne varie pas. Les cinq principales gardes sont :
L'orientation du plan de la lame (hasuji) est capitale. Lorsque l'on est en garde, le sabre doit pouvoir couper sans qu'il soit besoin de faire pivoter la lame ; la lame est déjà dans le plan de coupe lorsque l'on est en garde. CoupsLes cinq principaux coups sont :
La notion de parade est très différente de la notion européenne. En effet, en kenjutsu, on ne cherche pas à bloquer la lame (à l'exception des techniques d'arrêt : domaru waza ou uchi dome), car cela l'émousserait et risquerait de la briser, ou bien on risquerait de la lâcher. La défense consiste plutôt à « recevoir » la lame de l'adversaire (ukeru), c'est-à-dire à esquiver le coup tout en mettant sa lame au contact de celle de l'attaquant, afin de la contrôler et que celui-ci ne puisse pas frapper à nouveau ; les deux lames glissent l'une contre l'autre. Dans l'idéal, l'esquive-parade permet de se replacer et de contre-attaquer. Parmi les techniques élémentaires, citons :
Dans la logique japonaise, les termes ci-dessus ne décrivent pas une forme mais plutôt un principe de combat (de même qu'un kanji peut avoir plusieurs sens). Par exemple, maki otoshi peut s'exécuter en écartant la lame avec un mouvement de coupe plutôt qu'un mouvement d'enroulement et la coupe peut même servir à écarter la lame et à frapper dans le même mouvement (forme dite i to i shin, « un sabre, un corps »). On peut travailler les contre des contres. Par exemple, un mouvement maki otoshi écarte la lame de l'attaquant par un mouvement de rouleau ; celui-ci peut alors continuer le mouvement circulaire et passer sous la lame de l'adversaire se placer de manière à la frapper (tsuki). L'adversaire peut alors tenter d'écarter la lame de l'autre côté (vers sa droite)… HéritageLe kenjutsu est l'ancêtre du kendo. Il a également été d'une importance fondamentale dans la genèse de l'aikido ; le kenjutsu est pratiqué par les aikidoka sous la dénomination aiki-ken. l'art du sabre comprend également :
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